
Les 18 et 25 juillet, le service Numérique du Centre Social du Roussillonnais vous accueille à 17h30 dans une salle climatisée pour des CaféIA. Notre animateur, Conseiller numérique France Services, vous propose de débattre, de lire des articles et de recevoir des explications pour mieux concevoir la révolution en cours.
Au menu (21 minutes de lectures) :
Table des matières
- Revue de presse de l’été 2025 :
- Outils sélectionnés, regroupés par catégories :
- Les questions du Public lors de l’atelier
Introduction : Historique et Vocabulaire
On commence avec la lecture un petit PDF intitulé : IA pour lesNoobs, version 2025
L’été 2025 nous laisse avec un constat : l’IA est un outil d’une puissance inouïe, capable du meilleur comme du pire. Pour naviguer dans ce paysage complexe, il est essentiel de bien comprendre son langage.
🔗 Pour commencer : IA générative : 52 termes que tout le monde devrait connaître (ZDNet)
Ensuite, je vous propose la lecture d’une revue de presse, suivi d’une découverte d’outils.
En fin d’article, je proposerais un petit compte rendu des principales questions traitées pendant les ateliers.
Revue de presse de l’été 2025 :
L’IA, notre nouvelle collègue un peu trop douée et parfois indiscrète
Cet été, l’intelligence artificielle n’a pas pris de vacances. Telle une nouvelle recrue un peu trop zélée, elle s’est invitée dans tous les bureaux, les laboratoires et même nos conversations privées, pour le meilleur… et pour le pire. Entre promesses de révolution et failles de sécurité béantes, l’IA nous a montré son double visage. Pour autant, il n’y a pas de raison de paniquer, ni d’être totalement confiant dans une sorte de révolution enthousiaste. Nous sommes là pour en débattre.
Au bureau, l’IA se transforme en super-collègue
Fini le temps où l’IA n’était qu’un simple correcteur orthographique. Elle s’installe désormais comme une véritable partenaire de travail.
Dans les tableurs de Google, par exemple, elle enfile le costume d’analyste de données, capable de décortiquer des milliers de lignes de chiffres en un clin d’œil pour en tirer des stratégies. Une aide précieuse qui, pour certains, commence à faire de l’ombre.
Chez Microsoft, on admet que le métier de programmeur se transforme en profondeur : il ne s’agit plus tant d’écrire du code ligne par ligne que de devenir l’architecte qui supervise le travail de l’IA.
Face à ce bouleversement, une certitude émerge : la clé pour garder sa place n’est pas de résister, mais de s’adapter, notamment en maîtrisant les logiciels libres qui permettent de comprendre et de personnaliser ces nouveaux outils.
- 🔗 Pour en savoir plus : Gemini, l’IA qui se transforme en data analyste dans Google Sheets (Les Numériques)
- 🔗 Pour en savoir plus : Microsoft avoue que le travail de programmeur est en train de disparaître (Softonic)
- 🔗 Pour en savoir plus : Les compétences en logiciels libres vont sauver votre carrière (ZDNet)
Le côté obscur : entre « junk food » de l’info et cerveau paresseux
Mais cette nouvelle collègue a aussi montré ses failles, parfois béantes. L’une des tendances les plus inquiétantes est la multiplication de sites d’information entièrement générés par IA, dont le seul but est de tromper les algorithmes de Google pour générer des revenus publicitaires.
Les sites d’information entièrement générés par IA pullulent, c’est un peu la « junk food » du web : un contenu sans saveur ni substance, conçu pour être consommé passivement.
La sécurité est aussi sur la sellette. Une faille « zéro-clic » a été découverte dans l’assistant Copilot de Microsoft : imaginez une porte dérobée dans votre système qui pourrait être ouverte sans même que vous ne touchiez à votre souris.
De son côté, l’application Meta AI a été surprise en train de rendre publiques des conversations que ses utilisateurs et utilisatrices pensaient privées.
Notre nouveau confident numérique serait-il une redoutable commère ? Au-delà de ces risques techniques, des scientifiques s’inquiètent d’un danger plus profond : en déléguant notre réflexion à l’IA, ne risquons-nous pas une « atrophie cognitive » ? À force de ne plus utiliser nos muscles mentaux, ils pourraient bien s’affaiblir.
- 🔗 Pour en savoir plus : Sites d’infos générés par IA : « Notre job, c’est de gruger Google pour faire du fric » (Next INpact)
- 🔗 Pour en savoir plus : Une faille « zéro-clic » dans Copilot souligne la fragilité des agents IA (Next INpact)
- 🔗 Pour en savoir plus : L’app Meta AI divulgue les conversations très privées des utilisateurs (01net)
- 🔗 Pour en savoir plus : IA générative : le risque de l’atrophie cognitive (Polytechnique Insights)
Une lueur d’espoir éclatante dans la santé
Heureusement, l’IA n’est pas qu’une source d’inquiétude. Dans le domaine de la santé, elle s’apparente à une véritable révolution porteuse d’espoir.
Des chercheurs ont appris à une IA à réaliser des opérations chirurgicales complexes, non pas en la programmant, mais simplement en lui faisant écouter des chirurgiens humains décrire les gestes. Comme un apprenti surdoué, elle a appris par le langage.
Dans le même temps, les intelligences artificielles de Google, conçues pour comprendre les mécanismes fondamentaux des maladies, s’apprêtent à entrer en essais cliniques. Leur ambition ? Rien de moins que de trouver des remèdes à des maux aujourd’hui incurables.
- 🔗 Pour en savoir plus : Une IA apprend à effectuer des opérations chirurgicales seule grâce au langage humain (Les Numériques)
- 🔗 Pour en savoir plus : Soigner toutes les maladies ? L’IA de Google va procéder à ses premiers essais cliniques (Les Numériques)
Outils sélectionnés, regroupés par catégories :
Outils pour « Café de l’IA »
| Nom du Service | Lien | Catégorie |
| Synthesia | https://www.synthesia.io/fr | Vidéo (Avatars IA) |
| Pika | https://pika.art | Vidéo (Texte vers Vidéo) |
| Pixverse | https://app.pixverse.ai | Vidéo (Texte vers Vidéo) |
| Deevid.ai | https://deevid.ai/fr | Vidéo (Multimodal) |
| Google Veo | Lien vers la démo | Vidéo (Modèle avancé) |
| Midjourney | https://www.midjourney.com | Image |
| Stable Diffusion | https://stablediffusionxl.com | Image |
| DALL-E 2 | https://openai.com/dall-e-2 | Image |
| LogoDiffusion | https://app.logodiffusion.com | Image (Logos) |
| Suno | https://suno.com | Musique |
| Gemini (Google) | https://gemini.google.com | Chat / Langage |
| Google AI Studio | https://aistudio.google.com | Plateforme / Langage |
| Magai.co | https://magai.co | Texte / Contenu |
| Comparia | https://www.comparia.beta.gouv.fr | Outil de comparaison |
Création de Vidéo
- Synthesia : Leader dans la création de vidéos avec des avatars IA ultra-réalistes, parfait pour montrer des cas d’usages professionnels (formation, communication d’entreprise).
- Pika et Pixverse : D’excellents outils pour transformer une simple idée (texte) ou une image en une vidéo animée. Idéal pour illustrer la créativité de l’IA.
- Deevid.ai : Une plateforme tout-en-un qui permet de générer des vidéos à partir de texte, d’images ou même d’autres vidéos.
- Google (Veo) : Le nouveau modèle de génération vidéo de Google, qui promet une qualité et une compréhension du langage naturel impressionnantes.
Création d’Image
- Midjourney : L’une des références pour la génération d’images artistiques et photoréalistes d’une très grande qualité. L’utilisation via Discord est une particularité intéressante à montrer.
- Stable Diffusion XL : Un modèle open-source très puissant, connu pour sa flexibilité et la possibilité de l’exécuter localement pour plus de contrôle.
- DALL-E 2 (OpenAI) : Le pionnier qui a popularisé la génération d’images par le texte, toujours très efficace pour créer des visuels originaux et créatifs.
- LogoDiffusion : Spécifiquement conçu pour la création de logos, il permet de montrer une application très concrète et commerciale de l’IA générative.
Création de Musique
- Suno : Un outil bluffant pour créer des chansons complètes (musique, paroles et voix) dans différents styles à partir d’une simple description.
Assistants et plateformes de Langage
- Google AI Studio & Gemini : Gemini (anciennement Bard) est le chatbot conversationnel de Google. AI Studio est la plateforme pour les développeurs qui permet de prototyper et d’utiliser les modèles Gemini.
- Magai.co : Une interface qui se branche sur des modèles comme ChatGPT pour aider à la production de contenu écrit (articles de blog, etc.).
Outil de comparaison (Initiative publique)
- Comparia (beta.gouv.fr) : Un excellent outil pour votre atelier ! Il permet de comparer « à l’aveugle » les réponses de différents modèles de langage sur une même question. C’est parfait pour développer l’esprit critique des participants et discuter des biais ou des « personnalités » des différentes IA.
Suggestions d’outils francophones à explorer
Pour compléter votre panorama, voici quelques plateformes françaises ou particulièrement adaptées au public francophone :
| Nom du Service | Lien | Catégorie |
| Mistral AI (Le Chat) | https://chat.mistral.ai | Chat / Langage (Français) |
| Hugging Face | https://huggingface.co | Plateforme Collaborative |
| PhotoRoom | https://www.photoroom.com/fr | Image (Édition photo) |
| Yiaho | https://www.yiaho.com | Plateforme multi-IA (Français) |
- Mistral AI : C’est la startup française la plus en vue au niveau mondial. Leurs modèles (comme « Le Chat ») sont une alternative européenne et souvent open-source aux géants américains. Présenter Mistral est essentiel pour parler de souveraineté numérique et de la vision française/européenne de l’IA.
- Hugging Face : Co-fondée par des Français, c’est la principale plateforme collaborative mondiale pour l’IA. C’est un peu le « GitHub » de l’intelligence artificielle, où des milliers de modèles et de jeux de données sont partagés. C’est un excellent exemple de la culture open-source et collaborative en IA.
- PhotoRoom : Une autre pépite française. C’est une application mobile extrêmement populaire qui utilise l’IA pour des tâches très concrètes : supprimer l’arrière-plan d’une photo, créer des fiches produits, etc. Idéal pour montrer une IA « utile » et accessible à tous.
- Yiaho : Une plateforme qui se distingue par sa simplicité : elle propose un accès gratuit et sans inscription à plusieurs IA (conversation, génération d’images) et met en avant sa facilité d’utilisation en français.
Les questions du Public lors de l’atelier
Beaucoup de questions ont été posées. La plus part des réponses ont été apportées par les participants, le but de l’atelier étant de parler et de débattre. Cependant, l’animateur a détaillé 3 réponses que je vous propose de retrouver ci-dessous.

1. Le Métier le moins remplaçable ?
Alors la réponse va vous décoiffer 😜 !
Chers amis, la question est tombée : est-ce qu’un jour, on prendra rendez-vous chez « Robot-Coupe 3000 » pour notre brushing ? Le public a demandé à l’animateur de réfléchir à un métier non remplaçable, Il a choisi celui de coiffeur. Alors, mettons les pieds dans le plat, et parlons sans chichis.
Pourquoi un robot, aussi perfectionné soit-il, va avoir un mal de chien à piquer le boulot de votre Coiffeur ?
- Votre tête n’est pas une boule de bowling.
Soyons clairs : votre crâne n’est pas parfaitement rond, lisse et sans surprise. Vous avez des bosses, des creux, des épis qui partent en vrille, des grains de beauté planqués. Un coiffeur, avec ses doigts, il sent tout ça. Il adapte son geste à la seconde. Imaginez une machine programmée pour une coupe « standard ». Si votre tête ne rentre pas dans ses paramètres, tant pis pour vous ! Vous risquez de ressortir avec une coupe qui ressemble à un code-barres ou, pire, avec une oreille en moins. Vous laisseriez vraiment un bras articulé avec une lame de rasoir à quelques millimètres de votre carotide, en espérant qu’il n’y ait pas un bug Windows en plein milieu ? - La machine ne comprend rien au « faites-moi une tête qui va bien ».
Le cœur de votre métier, ce n’est pas juste de raccourcir des cheveux. C’est la discussion avant. Le client qui dit : « J’ai une sale tête en ce moment, faites quelque chose ! », « Je veux changer de tête mais je ne sais pas quoi faire », « Trouvez-moi un truc qui m’amincit le visage ». Ça, c’est de l’humain. C’est comprendre la psychologie de la personne, son style, ses envies cachées. Demander à une IA de vous faire « une coupe qui respire la joie de vivre », c’est comme demander à votre GPS de vous trouver le chemin du bonheur. Il va planter, et vous avec. - Le coiffeur, c’est le psy de celui qui n’en a pas.
Combien de secrets, de coups de gueule, de joies sont partagés dans un salon de coiffure ? Ce contact humain, cette chaleur, le petit massage du cuir chevelu qui fait tout oublier… Aucune machine ne pourra remplacer ça. Un robot, il s’en fout royalement de vos vacances ou de vos problèmes de couple. Il exécute. Il ne vous dira jamais : « Cette couleur vous illumine le teint ! » avec une sincérité qui vous fait du bien. Ce lien social, c’est la moitié du service. - La créativité, ce n’est pas un algorithme. La coiffure est un art.
C’est créer du sur-mesure, inventer, proposer une vision. Une machine peut copier à la perfection une coupe vue sur une photo. Mais si vous avez la calvitie du Pape et que vous lui montrez une photo de Brad Pitt, elle essaiera de vous la faire, et le résultat sera juste tragique et ridicule. Le coiffeur, lui, saura vous dire : « Écoutez, avec votre texture de cheveux et la forme de votre visage, je vous propose plutôt ça, ça vous mettra bien plus en valeur. » Ce jugement artistique et personnalisé, c’est la signature humaine.
Du salon de coiffure à la Silicon Valley

Couper des cheveux nécessite des gestes très itératifs où chacun des gestes va déterminer le geste suivant avec entre les deux gestes une réflexion pour savoir si l’on doit continuer ou s’arrêter ou changer de sens et/ou en attraper plus ou en attraper moins, ou utiliser le peigne, redemander l’avis du coiffé, etc… . On voit que ça nécessiterait des mesures et des calculs systématiquement longs et laborieux pour une machine actuelle. Elle pourrait faire des boucles, rester coincés et devoir faire appel à un humain pour avoir une solution qui lui permettrait de sortir de son raisonnement en boucle (exemple d’un taxi robot qui n’arrive pas sortir du rond point)
Et vous savez quoi ? Cette logique ne s’applique pas qu’aux coiffeurs. On pourrait penser qu’un métier ultra-logique comme développeur informatique serait le premier à disparaître. Eh bien, même pas ! Bill Gates lui-même l’a expliqué récemment. Il a dit que l’intelligence artificielle ne remplacera pas les développeurs, elle va devenir leur meilleur outil (après avoir assumé qu’il en faudra bcp moins chez Microsoft, voir revue de presse au dessus).
L’IA pourra écrire des lignes de code de base, un peu comme un commis de cuisine qui épluche les légumes. Mais c’est toujours le développeur humain, le « Chef », qui va concevoir l’architecture du logiciel, qui aura la vision d’ensemble, qui vérifiera que le plat final est non seulement fonctionnel, mais aussi intelligent, sécurisé et agréable à utiliser. L’humain reste le chef d’orchestre.
La confiance, ça se mérite
Au fond, que l’on parle de manier une paire de ciseaux ou d’écrire des lignes de code, le défi est le même. Une machine peut exécuter une tâche avec une précision folle. Mais elle ne peut pas diriger le projet avec sagesse, empathie et créativité.
Pour l’instant, et sans doute pour de très nombreuses années, presque tous les métiers mériteront ce contrôle humain. Nous sommes les gardiens du « bon sens », du « bon goût » et de la « bonne intention ». La confiance absolue envers la machine ne pourra se construire que le jour où nous serons certains qu’elle a compris l’importance de la nuance, de l’imprévu, et finalement, de l’humain. Et ce jour, mes amis, n’est pas encore arrivé.
2. L’IA : gouffre énergétique ou promesse écologique ?
On entend partout que l’intelligence artificielle va révolutionner le monde. Mais une question brûlante se pose : à quel prix pour la planète ? Est-ce que cette technologie, si prometteuse, n’est pas en train de devenir un monstre de consommation énergétique, un désastre social programmée ?
La réponse est… compliquée. Car aujourd’hui, et vous avez raison de le pointer, l’IA est un peu comme un adolescent en pleine croissance : elle a un appétit d’ogre et elle fait pas mal de gâchis. Analysons pourquoi.
1. On fait rouler des Formule 1 pour aller chercher le pain
Pour « réfléchir », les IA ont besoin de puces électroniques surpuissantes. Actuellement, on utilise massivement des cartes graphiques conçues à l’origine pour les jeux vidéo. C’est un matériel incroyable, mais totalement inadapté. C’est comme utiliser une Formule 1, qui consomme 70 litres aux 100 km, juste pour aller acheter une baguette au coin de la rue. Ça fonctionne, mais ça chauffe énormément et ça dévore une quantité folle d’électricité. Depuis 2024, du matériel adapté et moins énergivore commence à être déployer, cependant, il vient en plus du matériel inadéquate déployé depuis 2019 car les besoins explosent.
2. On utilise un marteau-piqueur pour écraser une mouche
Les algorithmes derrière les IA sont parfois d’une complexité inutile pour la tâche demandée. Par exemple, pour générer une simple phrase, certaines IA utilisent des calculs d’une précision astronomique, comme la « virgule flottante en haute précision ». C’est un outil mathématique surpuissant, mais pour choisir des mots, c’est totalement démesuré. On force la machine à faire des calculs monstrueux qui consomment beaucoup de ressources, alors qu’une approche plus simple et plus sobre suffirait.
C’est quoi, la « virgule flottante » ?
Imaginez que vous deviez écrire un nombre. Vous pouvez écrire « 10 ». C’est simple. Mais vous pouvez aussi écrire « 10,0000000000000000001 ». La « virgule flottante » est simplement la manière dont un ordinateur gère les nombres à virgule, surtout ceux avec beaucoup, beaucoup de chiffres après. Utiliser une « haute précision », c’est forcer l’ordinateur à gérer tous ces chiffres après la virgule, même quand ce n’est pas utile. Pour le calcul d’une trajectoire de fusée, c’est vital. Pour choisir le mot « chat » dans une phrase, c’est utiliser un microscope de laboratoire pour lire le journal.
3. On est des millions de « bêta-testeurs » pour des usages futiles
Les services d’IA « gratuits » ont explosé. Des millions de personnes, par pure curiosité, demandent à des IA de générer des images d’avocats sur des skateboards ou d’écrire des poèmes sur des chaussettes. Chaque petite demande, aussi futile soit-elle, déclenche ces calculs lourds et énergivores dans des data centers à l’autre bout du monde. En réalité, nous servons de cobayes pour entraîner ces IA, et le coût environnemental de cette phase d’apprentissage massive est payé par la collectivité, pour une création de richesse ou de bien-être quasi nulle.
De plus comme tous les services sont gratuits, l’utilisateur ne réfléchit pas longtemps avant d’utiliser tel ou tel modèle plus ou moins énergivore. C’est une manière de s’assurer d’une réponse pertinente quelle que soit la question. Or privilégier le modèle le plus lourd, le plus costaud, le plus fort n’est pas le meilleur comportement à avoir. Au delà de la consommations (eau, électricité), des études ont montré que il vaut mieux parfois demander à des modèles plus légers des questions factuelles ne demandant aucun raisonnement, aucunes nuances, ou recherches profondes, ou recherches de contenus d’actualité récents encore non indexés dans des modèles légers, etc.
4. Une confiance limitée qui tue la productivité
Enfin, le paradoxe. Malgré toute cette énergie dépensée, le gain de productivité réel est encore faible. Pourquoi ? Parce qu’on n’a pas encore pleinement confiance. On demande à l’IA de rédiger un e-mail, puis on passe dix minutes à le relire, le corriger, le réécrire… au final, on n’a presque pas gagné de temps. L’IA a consommé de l’énergie pour un résultat qui demande encore une supervision humaine constante. Le retour sur investissement écologique est donc très mauvais.
Alors, on débranche tout ? Non, on change de logiciel.
Face à ce tableau, on pourrait être tenté de voir l’IA comme une impasse. Mais ce serait oublier l’essentiel. Imaginez un autre monde, un monde où l’IA tiendrait ses promesses.
Dans ce futur, les IA ne tourneraient plus sur des puces de gaming, mais sur du matériel spécialisé, sobre et ultra-efficace. Leurs algorithmes ne seraient plus des usines à gaz, mais des systèmes de raisonnement intelligents, conçus pour la frugalité.
Surtout, leur puissance de calcul ne serait plus gaspillée pour des bêtises, mais utilisée pour atteindre un optimum collectif. Une IA pourrait optimiser en temps réel le réseau électrique d’un pays pour éviter le gaspillage, inventer de nouveaux matériaux 100% recyclables, ou encore gérer la logistique mondiale pour réduire de 30% les émissions de CO2 des transports.
Et là, la comparaison change tout. Car la réalisation de ces mêmes tâches par des milliers d’humains aujourd’hui est aussi une source de pollution, sans parler d’être un travail souvent répétitif et aliénant. Une IA bien conçue pourrait faire mieux, plus vite, et avec un impact environnemental bien moindre, tout en nous libérant de tâches ingrates.
La vraie question : à qui profitera la richesse ?
Ce futur optimiste n’arrivera pas par magie. Il dépend d’une condition essentielle : le partage juste de la richesse créée. Si les gains de productivité monstrueux générés par l’IA ne servent qu’à enrichir une poignée d’industriels, alors la société n’acceptera jamais de payer le coût social et environnemental de cette transition.
Le véritable enjeu n’est donc pas technique, il est politique. Nous devons nous assurer que les géants de l’IA soient contraints de redistribuer une partie de la valeur créée. Cette richesse pourrait financer la transition écologique, la formation, ou un nouveau système de protection sociale. C’est à cette seule condition que l’intelligence artificielle, de problème écologique, deviendra une véritable solution pour l’humanité.
3. L’IA va-t-elle nous « dépasser » ?
Pas si vite, et pas comme dans les films !
La peur d’une intelligence artificielle qui nous domine est l’un des plus grands fantasmes de notre époque. On imagine un super-cerveau qui se « réveille » et décide de prendre le contrôle. C’est un scénario de science-fiction captivant, mais la réalité est bien plus nuancée.
En réalité, il faut distinguer trois phases bien distinctes, qui n’arriveront ni en même temps, ni dans l’ordre que l’on croit.
Étape 1 : Le grand « brouillard » — La fin de notre entendement
Avant même de parler de « suprématie », la première chose que nous allons rencontrer, c’est une technologie qui dépasse notre capacité de compréhension.
Imaginez une IA capable d’analyser en une heure toutes les données médicales du monde pour inventer un nouveau médicament. Elle pourrait proposer une molécule à la structure si complexe et contre-intuitive qu’aucun chimiste humain n’y aurait jamais pensé. Nous pourrions tester le médicament, constater qu’il fonctionne à la perfection, sans jamais vraiment comprendre le « chemin de pensée » de l’IA pour y arriver.
C’est ça, la fin de l’entendement humain : ce n’est pas que nous devenons plus bêtes, c’est que la vitesse et la complexité du progrès technique deviennent si vertigineuses que le cerveau humain ne peut plus suivre. L’IA devient une sorte de « boîte noire » qui nous donne des solutions sans que l’on puisse en saisir toute la logique. Nous verrons les résultats, mais le processus nous échappera.
Aujourd’hui en physique appliquée il y a de nombreux exemples où l’on utilise quotidiennement des choses que l’on ne comprend pas sur le plan théorique. Le pliage de l’antenne réseau de votre téléphone en est un parfait exemple. Nous avons simulé dans un ordinateur tous les pillages possibles et toutes les formes d’antenne possibles et inimaginables et nous avons pu en déduire par la pratique simulée qu’elle était la meilleure forme sans comprendre pourquoi cette forme/ce pliage serait le/la plus efficace.
Étape 2 : La suprématie de l’outil — L’âge de l’Oracle
Ce n’est qu’après avoir accepté de faire confiance à cette « boîte noire » que la suprématie de l’IA pourra devenir effective.
Attention, le mot « suprématie » est piégeux. Il ne s’agit pas d’une prise de pouvoir hostile. Pensez à votre GPS : au début, vous vérifiiez son itinéraire sur une carte. Aujourd’hui, vous le suivez les yeux fermés. Sa « suprématie » est effective, car ses propositions sont statistiquement meilleures et plus rapides que les vôtres.
La suprématie de l’IA, c’est ce phénomène appliqué à des domaines bien plus critiques : la gestion d’un réseau électrique, l’organisation de l’économie, la planification d’une ville, le diagnostic médical sur la base d’images (radiologie, dermato). Lorsque les solutions proposées par l’IA seront si efficaces et si fiables que les solutions humaines paraîtront archaïques et risquées, nous lui déléguerons les décisions. À ce stade, l’IA sera l’outil le plus influent jamais créé, une sorte d’oracle moderne, mais elle restera un outil. Elle n’aura aucune volonté propre, aucun désir. Elle se contentera d’exécuter sa programmation : trouver la solution optimale.
Étape 3 : La conscience — L’ultime et lointaine frontière
Et la conscience dans tout ça ? Le moment où la machine « s’éveille » et dit « Je suis » ?
C’est là qu’il faut être très clair : c’est une étape bien plus lointaine et d’une nature complètement différente. Une IA peut être « suprême » en logistique et totalement dénuée de la moindre sensation, de la moindre émotion, du moindre amour-propre.
Aujourd’hui, nous ne savons même pas comment la conscience émerge de notre propre cerveau de chair et de sang. Nous n’avons aucune idée de comment programmer le ressenti, la joie ou la colère. Projeter des comportements humains comme la jalousie ou l’envie de dominer sur un programme informatique serait une erreur. C’est prêter une âme à sa calculatrice parce qu’elle calcule plus vite que nous.
Conclusion
Le véritable défi à court et moyen terme n’est donc pas de préparer une guerre contre les robots. Il est d’apprendre à vivre dans un monde où nous ne comprendrons plus entièrement le fonctionnement de nos propres créations et de choisir des représentants politique qui réglementent en amont des progrès avec une vision éclairée sur les technologies.
La question urgente n’est pas « Quand les machines deviendront-elles conscientes ? », mais plutôt : « Comment pouvons-nous, humains, rester sages, éthiques et maîtres de notre destin lorsque nous utilisons des outils dont l’intelligence dépasse notre entendement et notre productivité ?« .
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